L'appel de la nuit [PV Savuka <3]

Cela faisait un bon moment que l'immense masse noire rôdait dans les parages. La nuit était tombée et le saphir au-dessus de sa tête étincelait de milliers de diamants. Un ciel magnifique, digne d'une nuit d'amour. Azaan ne s'était plus manifesté depuis trois semaines. Cela correspondait tout simplement au moment où son fils avait enfin ouvert ses paupières pour porter un premier regard sur ces terres qu'il conquerrait bientôt de son charisme.

Le soleil semblait vouloir résister, et le grand lion noir fixa sombrement l'horizon rougeoyant. Les derniers rayons cédèrent finalement leur place à la nuit et le halo doré prit une teinte rose. À présent que l'astre solaire s'était couché en même temps que le Roi de ces terres, Azaan pouvait arpenter la savane sans aucune crainte. Il se frayait un chemin à travers les hautes herbes sèches, ne cherchant pas à cacher sa présence. Un troupeau de zèbres s'écarta de lui au petit galop, plus par instinct de conservation que par réelle peur du grand félin qui n'avait aucunement l'attitude d'un chasseur.

Le grand lion s'arrêta une nouvelle fois. Un grondement sourd s'amplifia dans sa gorge, puis il poussa un rugissement, long et puissant, pour manifester sa présence. Son ventre se creusa et ses flancs remontèrent un instant alors qu'il arrivait à bout de son expiration sonore. L'appel serait entendu.

Comme chaque soir depuis quelques mois, Savuka guettait longuement la nuit, l'oreille dressée. Elle dormait toujours le plus près possible de l'entrée de la grotte, afin d'être sûre d'entendre l'appel. Les autres l'entendait peut-être aussi. Le Roi du moins, en avait certainement conscience. Il était difficile pour la jeune lionne de deviner pourquoi il tolérait ainsi ces écarts. Sans doute n'était-ce guère aisé car au au fond, elle s'en moquait. Tant que cette situation pouvait durer...

Cela faisait un moment qu'elle n'avait plus eu de signe de vie. Bien entendu, elle s'inquiétait. Azaan était fort, mais les Exclus étaient traitres et lâches pour la plupart. Il pouvait très bien avoir eu des ennuis. Mais enfin, l'appel résonna. Fébrile, Savuka se releva discrètement, appliquant une petite liche derrière l'oreille de son fils pour lui souhaiter de merveilleux rêves. Il était encore trop tôt pour qu'elle l'emmenât avec elle. Il lui fallait d'abord quérir l'autorisation d'Azaan.

Silencieuse telle une ombre, la jeune mère quitta silencieusement la grotte, prenant garde à ne heurter ni caillou ni rebord qui aurait pu lui provoquer un faux pas. Ce n'est qu'après quelques mètres à sentir enfin l'herbe sous ses pattes qu'elle accéléra l'allure. La nuit était belle et chaude, idéale pour passer de longues heures à rêver ensemble sous les étoiles. Elle courait à présent, elle courait à perdre haleine. Sa hâte de le revoir était telle qu'elle ne prenait garde à la fatigue qui pourtant lui tenailla rapidement les muscles.

Elle fut bientôt obligée de ralentir, incapable de courir davantage à un tel rythme. Épuisée, à bout de souffle, elle jeta un regard autour d'elle. Difficile de dire où se trouvait le grand lion, aussi sombre que la nuit. Elle n'était même pas certaine d'être arrivée. Simplement, ses pattes ne pouvaient la porter plus loin pour l'instant. Frustrée, elle crispa ses griffes dans le sol terreux. La crainte de manquer son mâle commençait à lui faire monter les larmes au yeux. Elle les ravala pourtant. Ce n'était pas le moment de se laisser aller. Il n'aimerait pas la voir ainsi. Car il était impossible qu'il soit partit sans l'avoir vu. Si Savuka ne pouvait venir à lui, lui la trouverait sans aucun doute.

Elle s'assit un instant, soupirant pour aider son corps à se détendre. Déterminée cependant, elle leva les yeux et scruta l'horizon, avant d'entrouvrir la bouche et de gronder à son tour dans le lointain. L'appel, plus bas que celui d'Azaan, roula longuement sur les herbes hautes, faisant taire les criquets et vibrer l'air au rythme de sa voix...

Le coeur battant, Azaan avait patienté, espérant entendre la voix de sa belle en réponse à son écho. Il attendait, alors que la lueur rose s'estompait pour virer au violet. L'ouïe développée du félin lui rapporta les pas d'une course effrénée. Une allure légère mais hâtive, un bruit d'impact sourd indiquant qu'il s'agissait là de coussinets et non de sabots. Vint bientôt s'ajouter une odeur féline qu'il saurait reconnaître entre toutes.

Savuka...

Elle était à plus de cent foulées de lui et était manifestement essoufflée de sa précipitation. Il était vrai que la distance entre le Rocher du Lion et ce coin reculé de la savane était importante. Le lion n'étant pas un animal taillé pour l'endurance mais plutôt pour l'attaque éclair, Azaan ne s'étonnait guère de savoir sa belle déjà à bout de souffle. Il frémit de tout son être en entendant le rugissement doux et étouffé de la lionne. Il s'empressa de reprendre son chemin et, sans pour autant forcer l'allure, il marcha rapidement en direction de Savuka. Bien que plus sombre que les autres lionnes de Simba, elle demeurait plus claire que lui et la distinguer était plus aisé pour lui que l'inverse.

Arrivé à quelques mètres d'elle, observant sa silhouette de profil, il trembla une nouvelle fois. Elle n'avait rien perdu de sa beauté malgré une gestation un peu précoce. Frémissant, il s'approcha et ne fit rien pour dissimuler sa présence. Il se plaça dans son champ de vision et attendit qu'elle daigne l'accepter dans sa proximité. Azaan ne doutait pas une seconde que jamais elle ne l'aurait repoussé s'il avait été plus direct, mais le grand lion noir souhaitait ne pas la froisser. Elle était une princesse à ses yeux, et il lui témoignait tout son respect en n'abusant pas de familiarité.

« Je suis heureux de te revoir, Savuka... »

Doucement, l'ombre se mit à bouger. Savuka dressa les oreilles, reconnaissant cette silhouette sombre et le pas qui l'accompagnait. Toujours aussi prévenant à son égard, Azaan s'arrêta à quelques pas, attendant un signe. La jeune lionne baissa légèrement la tête, mais ne pu attendre qu'il s'approchât davantage. Toute à sa joie de le revoir, elle vint à sa rencontre, plongeant son regard doux dans les yeux gris qui l'admiraient.

En silence, les deux félins joignirent leurs têtes pour frotter leurs joues l'une contre l'autre. Un tendre concert de ronronnement s'éleva dans la savane éclairée par la lune. Après trois semaines de séparation, ils pouvaient enfin s'offrir ce moment à deux, où rien d'autre n'existait ou presque.

« Azaan... »

Par ce simple murmure, Savuka lui évoquait à quel point il lui avait manqué, et tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Elle ne regrettait qu'une chose, ne pas être avec lui aussi souvent qu'elle l'aurait voulu. Il était un mâle généreux et fort, qui savait l'aimer et la traiter avec respect. Il serait un bon père, pour peu qu'il eut l'occasion de revoir enfin son fils et de lui enseigner ce que lui-même savait. Mais l'heure n'était pas aux hypothèses et aux regrets. Elle était avec lui, et sentait sa présence chaude contre son pelage rafraichit par le vent nocturne. Sa simple présence la rendait sereine, et gonflait son coeur de bonheur. La seule chose qui manquait pour que le moment fut parfait, était la fragile petite boule de poils qui incarnait leur amour, leur fils Haidar. Son absence se faisait sentir. Ce petit être si fragile, si curieux de ses origines... Il aurait adoré être là. Mais même sans penser aux désirs de son fils, l'âme d'une mère ne pouvait que ressentir le vide, d'autant qu'il n'était pas là dans ce moment si rare et si précieux.

La jeune lionne ronronna plus fort, et posa son front contre le poitrail large de son aimé. Désireuse de mieux communiquer ses sentiments, et de profiter davantage de cette présence, elle entoura une patte noire de la sienne, se serrant de son mieux contre Azaan. C'était leur moment à eux. Elle devait en profiter, autant qu'elle le pouvait.

Voyant sa belle incliner la tête en signe d'acceptation, Azaan aurait presque piétiné de bonheur. Mais avant qu'il pût esquisser le moindre geste en sa direction, Savuka s'empressait d'approcher pour frotter leurs têtes avec passion, comme si sa vie entière dépendait de l'intensité de cette caresse. Avec un sourire tendre, le beau lion noir ferma les yeux et lui offrit cette étreinte chaude et rassurante que la jeune lionne aimait ressentir. Tendrement, il lui lécha la joue et remonta jusqu'à son oreille pour lui exprimer également ses sentiments les plus profonds.

Ce cycle lunaire avait été si long, malgré ses appels incessants chaque soir, quand le soleil tombait de fatigue, au loin derrière les rochers. Il ne lui en tiendrait pas rigueur. Il savait que Savuka dépendait du clan de Simba ; cette contrainte signifiait clairement qu'elle ne pouvait se permettre de quitter le Rocher du Lion et faire faux-bond à l'autorité de son Roi trop souvent. Sans compter qu'à présent, elle ne pouvait plus s'isoler si facilement et agir seule comme autrefois. À ce jour, la présence nouvelle d'un petit être dans sa vie réclamait toute son attention et son amour. La situation était bien évidemment frustrante car le grand lion souhaitait plus que tout ravir cette lionne et son lionceau à Simba. Mais il ne pouvait se le permettre. Du moins pas pour l'instant, car Savuka, malgré tout son instinct maternel et son excellent sens de la chasse, était encore bien trop jeune pour supporter la dure vie de solitaire. Azaan se refusait de lui infliger un rythme de vie trop intense et la fragiliser. Elle était si belle qu'il voulait avant tout la préserver du danger et de la faim.

Mais d'ici une saison, lorsque la crinière d'Haidar commencerait à pousser et que Savuka serait enfin déchargée d'un allaitement sans doute fatigant...

« Comment vas-tu, ma douce ? » murmura-t-il en posant son menton sur la nuque de la jeune lionne. (Il rouvrit les yeux et lui lécha le front cette fois :) « Et lui ? »

Au fond de lui, il ressentait déjà un fort attachement pour ce lionceau. Et s'il ne l'avait vu qu'une fois, le jour-même de sa naissance, il espérait bientôt pouvoir le découvrir.

« Comment est-il ? » murmura-t-il, curieux et surtout désireux d'en apprendre plus sur cette petite créature, son fils, sa descendance, sa chair.

C'était son premier enfant. Plus que tout, il voulait savoir qui était ce petit qui l'incarnerait par-delà les années.

Il était toujours aussi beau et protecteur. Malgré ces trois semaines de silence, il ne semblait ni lui en vouloir, ni l'avoir oublié. Comme au premier jour, Azaan lui témoignait amour et affection, comme si ce lien qui les unissait n'en était encore qu'à ses premiers jours, si fragile et si nouveau.

Mais le temps n'avait en rien altéré leurs sentiments, leurs ronronnements et leurs gestes d'amour en témoignaient. Elle sourit de le voir si curieux d'elle et de sa progéniture. De nos jours, peu de mâles s'en souciait, à moins bien sûr d'être le monarque du clan et d'avoir une position à assurer. Mais le lion noir lui, était prévenant, affectueux et attentionné. Elle savait dès le départ qu'il ne se serait pas enfui comme un voleur une fois sa tache achevée.

« Je vais si bien, maintenant que je suis près de toi... (Elle eut un sourire doux, et donna un petit coup de langue sur une joue de son aimé) Et notre fils aussi se porte à merveille... »

Elle s'inquiétait tout de même de leur avenir à tous trois. Son envie d'être près de son mâle était forte, mais elle savait que la tolérance du roi avait des limites plus qu'aisées à franchir. Et que le point de non-retour était tout aussi vite atteint. Si elle se sentait prête à prendre le risque pour elle-même, il était hors de question qu'elle y exposa Haidar. Ici, il avait des compagnons et de la nourriture à volonté. Il était heureux et libre, en sécurité. Libre de s'épanouir à sa guise. Il avait de l'ombre quand il en voulait, de la chaleur quand il en voulait. Son poil était brillant et son ventre bien rempli. Que demander de plus pour son enfant ?

Elle savait bien qu'une vie de paria n'était pas faite pour un enfant. Il avait besoin d'un clan pour grandir de façon équilibrée. Tendrement, la lionne frotta une dernière fois sa joue contre celle d'Azaan, et se recula très légèrement pour mieux lui parler.

« Il tient de toi... Noble, courageux, déjà très mature pour son âge... Il est vif d'esprit et a le coeur généreux. »

Elle leva les yeux vers ceux d'Azaan, cherchant à croiser le regard pour décider si le moment était approprié. A n'en point douter, il avait lui aussi l'envie de rencontrer ce petit qui était aussi le sien...

« Il se demande qui est son papa... Et s'il pourra le voir bientôt... »

Le grand lion noir admira la lionne qui s'écartait de lui pour s'assoir. Il en frémissait de la voir ainsi, les traits doux, des reflets de bronze et d'argent sur sa fourrure... Trop respectueux de Savuka, il se retenait de na pas la plaquer au sol et rouler avec elle dans l'herbe. Dans le fond, Azaan gardait une part d'enfant. S'il avait décidé de rester au sein de son clan lointain, il aurait certainement été le Roi ; un roi bon et généreux, d'une forte autorité et protecteur, mais également capable de jouer avec sa descendance.

Mais si tel avait été le cas, jamais il n'aurait rencontré cette merveilleuse jeune lionne qui avait conquis son coeur, et il refusait de croire que n'importe quelle jeune lionne de son clan aurait pu le charmer autant que Savuka. Il l'écouta parler au sujet de leur fils, puis leva le nez en l'air pour regarder les étoiles quand elle lui murmura que Haidar aimerait connaître son père. Azaan était extrêmement curieux, mais également très maladroit. Il n'avait qu'une crainte, décevoir son petit alors que ce dernier devait imaginer un père au statut plus glorieux que celui de solitaire. Et si, tout simplement, Haidar venait à ne pas aimer l'image qu'Azaan donnait ? C'était bien évidemment impensable vu la douceur et la bonté que Savuka narrait à propos de leur enfant, mais le grand lion noir était anxieux. À être paria et loin de ses terres natales, il éprouvait parfois un sentiment de mésestime envers lui-même.

« J'aimerais le rencontrer... Il me semble l'avoir aperçu il y a peu, en compagnie d'un petit lionceau beige... qui ne semblait pas venir du Clan de Simba. » finit-il.

Nul doute que Haidar savait percevoir les fréquentations qu'il valait mieux éviter et celles sur qui on pouvait compter. Azaan était confiant. Déjà son fils gambadait librement dans la savane, sans craindre le danger tout en restant prudent. Il s'était fait des amis auprès de quelques singes, d'un jeune léopard et de triplés guépards un peu fous mais très gentils. Discrètement, Azaan avait écouté ces créatures parler de son fils, et la réputation d'un coeur généreux semblait faire l'unanimité.

« Dis-moi, Savuka... Haidar n'est encore qu'un enfant et tu te dois de le protéger en lui préservant cet abri et ce confort. Mais quand il apprendra à chasser, penses-tu qu'il nous sera possible de nous voir plus souvent... ou de vivre ensemble ? »

Il savait que sa demande risquait de mettre la jeune lionne mal à l'aise. Aussi se coucha-t-il sur un matelas d'herbe pour paraître moins impérieux dans sa requête. En aucun cas, il ne souhaitait brusquer la jeune lionne qui était en droit de préférer la sécurité du Rocher du Lion. Mais au fond, il espérait qu'un jour très prochain, ils pourraient passer leur vie l'un auprès de l'autre.

« D'ailleurs, où en est-il dans l'art de la chasse ? Il me semble que tu me parlais de l'initier assez vite s'il était débrouillard... Ce qui est le cas non ? »

Peut-être valait-il mieux reprendre une discussion plus légère et non moins intéressante ?

La jeune lionne contemplait le reflet des astres dans les yeux gris de son aimé, et sur son poil d'ébène. Elle désirait s'imprégner au maximum de sa vue, car elle ignorait si elle pourrait le rejoindre à son prochain appel. Le vent agitait doucement les crins luisants du lion, et elle frissonna, inquiète à l'idée que Simba en vienne un jour à ne plus tolérer ces escapades nocturnes dont il avait certainement conscience.

Mais Azaan chassa rapidement les pensées sombres de sa belle en évoquant son envie de voir leur petit. Rien n'aurait pu, en cet instant, faire davantage plaisir à Savuka. Même si Haidar n'était pas été curieux jusque là, il valait mieux profiter de cet intérêt naissant. Ne pas attendre que le lionceau devint grand, trop pour considérer le lion noir comme un père, mais plutôt comme un rival potentiel. Et puis, l'enfant avait le droit de connaitre ses origines...

Cependant, l'évocation d'un autre lionceau renvoya Savuka aux paroles que lui avait involontairement confié son fils, plus tôt en fin d'après-midi.

« Haidar m'a dit qu'il s'était fait un ami, issu du clan des Exilés de Zira... »

Incapable de masquer son trouble, elle cherchait à entrevoir une lueur dans les yeux d'Azaan, une lueur comme celle qui devait en ce moment obscurcir ses propres prunelles ; une lueur d'inquiétude, ou de peur...

« Tu connais ce clan, Azaan. Dois-je avoir peur pour notre petit ? S'il s'approchait trop de ce lionceau, un des adultes pourraient s'en prendre à lui. J'ai peur que cette amitié le rende imprudent... Peut-être au point de pénétrer dans les Terres Interdites... »

Haidar était débrouillard et intelligent. Mais il n'en restait pas moins un enfant, sans doute incapable d'imaginer ce que les Exilés pourraient lui faire s'ils lui mettaient la patte au collet. Le petit lion brun avait si hâte de revoir cet étranger... Et de là à penser qu'il irait sans doute à sa rencontre, ou même le chercher jusqu'à chez lui, il n'y avait qu'un pas. Et pourtant, la jeune mère ne souhaitait pas retenir son petit au Rocher du Lion. Tout comme son père, une telle restriction l'aurait renu malheureux. Car Haidar, pas plus que Azaan, n'aurait aimé se sentir prisonnier.

La demande soudaine du grand lion noir acheva de la troubler. C'était une question qui la préoccupait elle-même, et qu'elle s'attendait à entendre un jour ou l'autre. Ce qui ne l'empêcha pas d'être surprise, et de ne pas avoir de réponse toute faite. Le bout touffu de sa queue s'agitait doucement de gauche à droite, et un brusque souffle de vent la fit frissonner. Contournant le corps étendu d'Azaan, Savuka s'étendit contre son dos, posant son menton sur l'épaule du puissant lion. Ce doux contact la rassura, autant qu'il la réchauffa.

« Il se débrouille très bien pour un petit de son âge... Il arrive déjà à attraper de petits gibiers. Il deviendra un très grand chasseur... »

Cependant, Savuka se doutait bien que ce n'était pas tout à fait la réponse que le grand solitaire attendait. Par amour, elle se devait d'être honnête, même si son propre coeur se déchirait d'avance de ce qu'il lui faudrait répondre.

« Tu sais bien que c'est tout ce que je souhaite, te rejoindre, élever ensemble notre fils... Mais je ne peux imposer cette vie à Haidar... Il est trop jeune. Je ne veux pas qu'il ait à se cacher, loin d'un groupe sécuritaire et d'enfants avec lesquels jouer... Il a besoin de toute l'insouciance dont on peut rêver à cet âge. Il découvrira bien trop vite la réalité des choses. »

En outre, elle préférait attendre que leur fils fut suffisamment développé pour pouvoir se débrouiller, si le pire venait à venir. Un accident de chasse, une attaque, une vengeance du Roi sur leur famille pour punir la fuite d'une de ses lionnes... Elle préféra ne pas l'évoquer à haute voix, mais elle savait que son mâle devinerait la raison de tant de précautions. Plus Haidar serait grand, plus ses chances de survie face à la nature ou à un lion en colère seraient grandes.

« S'il ne s'était s'agit que de moi, je ne t'aurai jamais quitté, Azaan... »

Étendu sur l'herbe émeraude tel un prince noir, Azaan écoutait les paroles inquiètes de sa belle. Voguant entre l'admiration par tant de beauté pure et le sérieux par une situation potentiellement dangereuse pour leur rejeton. Mais d'un naturel protecteur, il se refusa de céder à l'angoisse et conforter Savuka dans la crainte d'un réel péril pour Haidar. Bien évidemment, cette fréquentation serait à surveiller, mais surprotéger leur enfant ne ferait que le rendre malheureux. Observant dans son dos la lionne pressée contre lui, il pencha sa tête en arrière et frotta sa grosse tête contre celle de la jeune lionne.

Que pouvait-il lui dire pour la rassurer. Que leur lionceau était grand et fort, ayant hérité des caractéristiques physiques de son père ? Que son nouvel ami était à peine capable d'achever une souris à l'agonie ? Non, toutes les paroles du monde ne pourraient rassurer Savuka. Parce qu'elle était une mère avant tout... Parce que dans le fond, ses inquiétudes étaient légitimes. Avec toute la tendresse du monde et pour lui donner du réconfort, le gros lion noir lui lécha la joue et se frotta contre elle. Par tous les Grands Rois, il l'aimait à la folie.

« D'une manière ou d'une autre, Haidar ira sur les Terres Interdites. Il est curieux et pour les avoir vu de loin, cela ne m'étonnerait pas qu'il entretienne une relation presque passionnelle avec ce petit. »

Il soupira et ferma les yeux un instant, puis releva la tête vers le ciel étoilé qui les couvrait. Un vent frais commençait à se faire sentir et il roula sur l'autre flanc, plaçant son ventre chaud sur le dos de Savuka et lui posant sur l'épaule une grosse patte pour lui éviter de frissonner. Il posa son nez sur la nuque de sa princesse et ferma les yeux.

« Vu mon statut vis-à-vis des deux camps, il est vrai que les Exilés sont plus fourbes... Et leur Reine est aigrie par la mort de Scar. Elle monte ses troupes contre votre clan... mais pour te rassurer, la nouvelle génération de lionceaux semble peu concernée par ce conflit. Même son fils qu'elle tente de manipuler n'a pas l'air convaincu. »

Il lécha la fourrure douce derrière l'oreille de sa belle et lui confia :

« Le danger viendra des adultes, effectivement... »

Rester sur cette note n'était pas ce qu'il y avait de plus rassurant, mais Azaan préférait ne pas en dire plus. Il écouta donc d'une oreille sereine les paroles de Savuka au sujet de leur fils. L'avenir de Haidar était plutôt optimiste ; grand et fort pour son âge, actif, curieux et débrouillard, il serait l'un des plus grands prédateurs de la savane, qui saurait imposer le respect. Avec un sourire confiant, il serra un peu plus sa patte antérieure autour du poitrail de la jolie lionne couchée sur le flanc, dos contre son ventre. Il souffla un air chaud sur la nuque fine de sa belle.

« Quand il sera adolescent, certaines choses se dénoueront pour nous deux » murmura-t-il doucement.

» A la nuit tomber.
» Savuka [Non-exclue]
» Savuka, non exclue [prise]
» Discussion entre adultes (PV Savuka)